Bail commercial, résiliation et procédure collective : revirement de jurisprudence ?
Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le :
30/12/2019
30
décembre
déc.
12
2019
L’article L. 641-12 du Code de Commerce prévoit que lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d’ouverture de la procédure qui l’a précédé. Il doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.
S’agissant de faire constater la résiliation judiciaire de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, le bailleur ne peut agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter du jugement aux termes de l’article L. 622-14 du Code de Commerce.
Aux termes de l’article R. 141-21 du Code de Commerce, le Juge Commissaire constate sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats s’agissant des baux commerciaux.
La demande de résiliation est formée par requête adressée ou déposée au Greffe.
Parallèlement, il existe une possibilité de saisir le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance sur le fondement des articles 808 et 809 du Code de Procédure Civile en utilisant la procédure de droit commun de résiliation de bail sur le fondement de la clause résolutoire.
En l’espèce, la Cour de Cassation par un arrêt du 9 octobre 2019 a eu à se prononcer sur l’hypothèse où un Juge Commissaire saisi d’une demande de constat de résiliation de plein droit d’un bail à raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire a rejeté la requête tendant à la constatation de cette résiliation de bail.
La Cour d’Appel de Paris, comme le Juge Commissaire ont rejeté le recours estimant que l’article L. 622-14 du Code de Commerce ne dérogeait pas à l’article L. 145-41 du même Code prévoyant en cas de clause résolutoire la délivrance préalable d’un commandement de payer au liquidateur, lequel pouvait solliciter des délais de paiement ou la suspension de la clause résolutoire.
Les juridictions du fond ont considéré que le fait pour le bailleur d’opter pour la saisie du Juge Commissaire plutôt que celle du Juge des référés ne le dispensait pas de la délivrance préalable du commandement de payer visant la clause résolutoire.
La Cour de Cassation a considéré que le bailleur qui agissait ainsi devant le Juge Commissaire pour voir constater la résiliation du bail de plein droit sans revendiquer le bénéfice de la clause résolutoire n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du Code de Commerce.
Selon la Cour de Cassation, il n’y a pas lieu de rajouter une condition non prévue aux articles L. 622-14 et L. 641-12-3e du Code de Commerce.
En effet, après l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, le bailleur peut demander au Juge commissaire la résiliation judiciaire ou le constat de la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire.
Le bailleur invoquait l’autonomie de cette procédure prévue sur les textes relatifs à la procédure collective.
Dans cette hypothèse, le Juge commissaire saisi d’une demande de constatation de résiliation de plein droit du contrat du bail par requête doit se prononcer sur la résiliation sur la seule constatation d’un défaut de paiement de loyer plus de trois mois après l’ouverture de la procédure collective.
Ainsi, en saisissant le Juge commissaire de ce défaut de paiement postérieur pendant plus de trois mois après le prononcé du jugement de liquidation judiciaire, le bailleur a fait le choix d’une procédure autonome réglementée par les dispositions régissant la procédure collective et n’a pas à délivrer un commandement de payer, acte exigé dans le cadre de la procédure de droit commun prévu à l’article L. 145-41 du Code de Commerce.
La Cour de Cassation a-t-elle, pour autant, opéré un revirement ? En effet, par un précédent arrêt du 28 juin 2011 de la Chambre Commerciale n°10-19.331, elle avait considéré que le Juge des référés était compétent pour constater la résiliation de bail conformément aux dispositions de l’article L. 622-14 du Code de Commerce relatives à la procédure collective.
Elle a considéré que les dispositions de l’article L. 622-14 du Code de Commerce ne dérogeaient pas aux dispositions de l’article L. 145-41 du même Code prévoyant en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d’un commandement de payer.
Certains auteurs ont estimé que la Cour de Cassation dans son arrêt du 9 octobre 2019 avait opéré un revirement de jurisprudence par rapport à sa dernière jurisprudence en date du 28 juin 2011.
Le commandement de payer ne serait plus exigé en cas de saisine du Juge commissaire devant constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire pendant plus de trois mois.
Il faut se demander si le bailleur fait le choix de la saisine du Juge des référés sur le fondement des articles 808 et 809 par application de l’article L. 622-14 du Code de Commerce, la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire serait-elle exigée ?
Certains auteurs ont estimé que la jurisprudence du 9 octobre 2019 consacrait l’autonomie de la procédure décrite aux articles L. 622-14 et L. 641-12-3e du Code de Commerce n’exigeant pas la délivrance d’un commandement de payer.
Or, la prudence paraît de mise.
Si le bailleur choisit la voie du Juge des référés sur le fondement des articles 808 et 809, il semble que l’exigence de délivrance d’un commandement de payer soit maintenue.
En revanche, la saisine du Juge commissaire permet par application de la jurisprudence du 9 octobre 2019 de se dispenser de la délivrance d’un commandement de payer.
Cet article n'engage que son auteur.
Historique
-
Covid-19 : quelles stratégies de résilience pour les entreprises en difficulté ?
Publié le : 02/04/2020 02 avril avr. 04 2020Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesL’état d’urgence sanitaire suscité par la survenance du COVID-19 provoque l’u...Source : www.eurojuris.fr
-
Prévention des difficultés des exploitations avec le règlement amiable agricole
Publié le : 24/02/2020 24 février févr. 02 2020Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesL’article L351-1 du code rural offre un outil juridique de gestion des exploi...Source : www.eurojuris.fr
-
Bail commercial, résiliation et procédure collective : revirement de jurisprudence ?
Publié le : 30/12/2019 30 décembre déc. 12 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesL’article L. 641-12 du Code de Commerce prévoit que lorsque le bailleur deman...
-
Affaire Tapie (6) : L'audience et les réponses apportées par le Tribunal
Publié le : 16/07/2019 16 juillet juil. 07 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesLire les articles précédents : Affaire Tapie (1) : Suite et enfin.....Source : www.eurojuris.fr
-
Prescription de l’action en paiement contre l’associé de la société civile immobilière en liquidation judiciaire
Publié le : 06/05/2019 06 mai mai 05 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesLe titulaire d’une créance qui se trouve confronté à la procédure collective...Source : www.eurojuris.fr
-
Un entrepreneur individuel peut-il bénéficier d'une procédure de traitement du surendettement ?
Publié le : 11/04/2019 11 avril avr. 04 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesCour de cassation, Chambre civile 2, 27 septembre 2018, 17-22013 Le créa...Source : www.eurojuris.fr
-
Garantie à première demande ou cautionnement ? Attention à la rédaction
Publié le : 04/03/2019 04 mars mars 03 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesPar un arrêt du 30 janvier 2019 (Cour de cassation, chambre commerciale, 30 j...Source : www.eurojuris.fr
-
Bail commercial et procédures collectives : compensation de la dette locative avec l'indemnité d'éviction
Publié le : 31/01/2019 31 janvier janv. 01 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesLa compensation est un moyen d’éteindre tout ou partie d’une dette lorsque le...
-
La décision d’admission d’une créance privilégiée à l’épreuve des nullités de la période suspecte en cas de report de la date de cessation des paiements
Publié le : 16/01/2019 16 janvier janv. 01 2019Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesChambre Commerciale Cour de Cassation 19 décembre 2018 pourvoi n° 17-19.309...Source : www.eurojuris.fr
-
L'absence d'obligation d'information du liquidateur judiciaire lors d'une vente de gré à gré autorisée par le juge commissaire
Publié le : 13/12/2018 13 décembre déc. 12 2018Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesDans un arrêt intéressant rendu le 21 décembre 2017, la 3ème chambre civile d...Source : www.eurojuris.fr
-
En cas de liquidation amiable d’une société, le remboursement du capital social échappe-t- il au droit de partage ?
Publié le : 20/11/2018 20 novembre nov. 11 2018Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesLa Cour de cassation dans un arrêt du 26/09/2018, vient de répondre à cette q...Source : www.eurojuris.fr
-
Le droit propre du débiteur de contester la transaction autorisée par le juge commissaire
Publié le : 14/03/2018 14 mars mars 03 2018Entreprises / Contentieux / Entreprises en difficultés / procédures collectivesBien qu’il soit dessaisi de ses droits et actions par l’effet du jugement aya...Source : www.eurojuris.fr