Bail commercial

Qui est titulaire du bail signé pour le compte d’une société en formation ?

Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le : 19/03/2020 19 mars mars 03 2020

Le Tribunal de Commerce de PARIS avait prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire d’une société dont l’associé fondateur, gérant et unique associé avait signé un contrat de bail qui mentionnait qu’il était signé pour le compte d’une société à constituer devant se substituer et qui aura pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce dans les locaux loués. Le bailleur a déclaré une créance au passif de cette société correspondant aux loyers impayés.
Le bailleur a saisi le Juge commissaire d’une requête aux fins de constatation de la résiliation de plein droit du bail. Entre temps un jugement de liquidation judiciaire a été prononcé à l’encontre de la société défaillante.
C’est alors que le gérant unique associé de la société mise en liquidation judiciaire est intervenu volontairement à l’instance en résiliation du bail afin de revendiquer être le seul titulaire du droit au bail.
Le juge commissaire a rejeté non seulement la requête du bailleur, mais également la demande formulée par le gérant associé de la société.

La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 26 octobre 2017 avait rejeté la revendication du gérant associé.
Le gérant invoquait le fait que l’engagement de signer le bail ne figurait pas dans les statuts, ni dans un mandat donné avant l’immatriculation de la société et déterminant la nature et les modalités des engagements à prendre, ni après l’immatriculation par une décision prise à la majorité des associés.
Même en tant qu’associé unique, une décision de reprise des engagements ne pourrait résulter que d’un acte express répertorié dans un registre prévu à cet effet.

La Cour de Cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel et rejeté l’argumentaire du gérant associé.

La Cour de Cassation a constaté que le contrat de bail mentionnait qu’il était bien signé par ce gérant associé pour le compte d’une société à constituer devant se substituer. En signant ce contrat, le bailleur et le signataire ont donc donné de façon non équivoque leur accord pour que l’engagement souscrit par le gérant pour le compte de la future société soit exclusivement assumé par cette dernière.

Par ailleurs, aussi bien la Cour d’Appel que la Cour de Cassation ont relevé que la société avait bien exploité le fonds de commerce dans les locaux loués conformément au contrat de bail et que cette société s’était bien comportée comme étant la seule titulaire du bail.

Les loyers ont été par ailleurs payés par la société et non par son gérant qui sur 14 chèques a pu justifier que 2 seulement avaient été émis par lui-même, dont l’un en qualité de caution, ce qui pouvait laisser supposer qu’il n’était pas titulaire du bail.

De surcroit, il résulte que la société elle-même a sollicité en référé des délais pour se libérer des sommes dues au titre des loyers en se comportant de manière non équivoque en titulaire du bail. Elle était par ailleurs titulaire d’un dépôt de garantie et cette société a même souscrit un emprunt pour financer des travaux d’aménagement du fonds de commerce.

La Cour de Cassation a considéré que bien que les statuts de la société à associé unique n’avait pas mentionné la reprise du bail sans ses annexes et qu’il n’existait aucun mandat écrit autorisant son gérant associé à contracter le bail au nom de la société, les parties avaient bien la volonté de substituer la société à son gérant lors de la signature du bail et que de ce fait la société s’était bien substituée à lui dans tous les actes d’exécution de ce contrat habituellement accompli par un locataire.

Cette situation évoquée par la Cour de Cassation est très courante.

Dans l’euphorie du début d’activité et de la signature d’un certain nombre d’actes, surtout lorsqu’il s’agit comme en l’espèce d’un associé unique, la rigueur juridique est parfois absente.

Cependant, le transfert des engagements peut toutefois résulter d’un faisceau d’indices qui peuvent résulter d’un raisonnement qui est semblable à celui de la théorie de l’apparence.
La rigueur doit cependant rester de mise.



Cour de Cassation chambre commerciale 15 janvier 2020 n°17-28127


Cet article n'engage que son auteur.
 

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