Baux commerciaux

Clause d'indexation et réputation non écrite partielle

Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le : 22/11/2022 22 novembre nov. 11 2022

Dans cette affaire de clause d’indexation réputée non écrite en totalité ou partiellement, la Cour de cassation continue sa route dans la voie d’un revirement total en inclinant son argumentaire. Les baux commerciaux comportent très fréquemment une clause d’indexation annuelle appelée « clause d’échelle mobile » qui généralement doit s’appliquer en cas de variation de l’indice à la hausse ou à la baisse.

Un certain nombre de professionnels ont cru devoir, dans les années 2010 (après une expérience douloureuse de baisse de la variation des indices notamment en 2008), rédiger des clauses d’indexation stipulant que l’indexation ne peut s’appliquer qu’en cas de variation de l’indice à la hausse et non à la baisse.

Depuis la nouvelle rédaction de l’article L 145-15 du Code de Commerce, les clauses contraires à l’ordre public sont réputées non écrites.

L’action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail commercial n’est théoriquement pas quant à elle soumise à la prescription.

Une clause d’échelle mobile doit varier théoriquement à la hausse comme à la baisse.

Les dispositions du Code Monétaire et Financier sont d’ordre public.

Il s’agit de ne pas fausser le jeu normal de l’indexation.

Une clause qui ne varie qu’à la hausse n’est pas conforme aux dispositions de l’article L 112-1 du Code Monétaire et Financier, car elle exclut toute réciprocité de la variation de l’indice.

Elle doit donc être réputée non écrite. Mais doit-elle être réputée non écrite en son entier ou simplement en ce qu’elle prohibe la variation à la baisse ? La Cour de cassation a marqué un premier pas en arrière dans un arrêt du 30 juin 2021 en cassant un arrêt de la Cour d’appel de REIMS.

La Cour d’appel de REIMS, dans son arrêt du 9 juillet 2019, avait considéré que la clause devait être réputée non écrite en son entier, car la clause d’indexation était indivisible.

La Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel n’avait pas trouvé des motifs propres à caractériser l’indivisibilité de la clause d’indexation.

Seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite.

Il s’agit d’un revirement de jurisprudence par rapport à son arrêt de principe du 14 janvier 2016 (Cass. civ. 3ème, n° 14-24.681).

Dans sa jurisprudence inaugurée à sa date, elle avait affirmé qu’une clause excluant la réciprocité de la variation et stipulant que le loyer ne pouvait être révisé qu’à la hausse devait être déclarée comme nulle.

Mais dans cet arrêt du 30 juin 2021, la Cour de cassation semblait admettre que la clause litigieuse pouvait être réputée non écrite en son entier, dès lors que la démonstration de son indivisibilité était rapportée.

Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2022 (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 28 septembre 2022, n° 21-25.507), la juridiction a cassé un arrêt de la Cour d’appel d’AMIENS du 30 septembre 2021, dans une affaire où le bail comportait une clause d’indexation annuelle stipulant que celle-ci ne s’appliquera qu’en cas de variation de l’indice à la hausse.

Le locataire avait assigné le bailleur aux fins de voir déclarer la clause d’indexation réputée non écrite et à obtenir la restitution des sommes réglées indûment.

La Cour d’appel d’AMIENS a jugé que la clause devait être réputée non écrite.

Cependant, le bailleur a estimé qu’une obligation était divisible lorsqu’elle avait pour objet un fait qui, dans l’exécution, est susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

A ses yeux, seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite.

Or, la Cour d’appel d’AMIENS avait considéré que la clause était indivisible car elle devait être « appréhendée comme un tout » et qu’elle constituait une stipulation essentielle et déterminante sans laquelle la location n’aurait pas été conclue, de sorte qu’elle devait s’appliquer dans sa globalité.

La Cour d’appel d’AMIENS a considéré que le fait de considérer non écrite partiellement la clause portait atteinte à sa cohérence.

Le bailleur a contesté cette interprétation en prétendant que la Cour de cassation avait confondu le caractère essentiel de la clause avec son caractère intrinsèquement indivisible.

La Cour de cassation a fondé sa décision sur les dispositions de l’article 1217 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ayant réformé le Code Civil.

Aux termes de ce texte, l’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

La Cour de cassation a estimé que le fait que la clause constituait une stipulation essentielle et déterminante sans laquelle la location n’aurait pas été conclue ne pouvait pas caractériser l’indivisibilité de la clause, de sorte que seule la stipulation prohibée (celle interdisant uniquement la variation à la baisse) devait être réputée non écrite.

La Cour de cassation se fait donc plus précise sur la notion d’indivisibilité et il est fort à parier que désormais les clauses litigieuses qui continuent à figurer dans ce type de baux encourront simplement une déchéance partielle : seule la partie litigieuse interdisant la variation à la baisse sera réputée non écrite, de sorte que l’indice pourra varier aussi bien à la hausse qu’à la baisse.

C’est bien l’objectif poursuivi par les dispositions de l’article L 112-1 du Code Monétaire et Financier et il est heureux que la Cour de cassation s’engage à présent fermement dans cette voie.


Cet article n'engage que son auteur.

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