Bail commercial : validité du commandement de payer délivré pendant la période d’observation
Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le :
31/01/2018
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2018
La Cour de Cassation a eu à se prononcer en matière de bail commercial sur deux points importants sur le plan pratique dans le cadre d’une procédure collective et d’un commandement de payer délivré durant la période d’observation.
Par jugement en date du 27 avril 2007, le Tribunal de Commerce d’Agen a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit d’un locataire en désignant un mandataire judiciaire représentant des créanciers (sans désigner d’administrateur).
Le locataire n’ayant pas réglé les loyers pour les mois d’avril et mai 2008, le bailleur a fait délivrer le 20 mai 2008 un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Trois jours plus tard, soit le 23 mai 2008, le Tribunal de Commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société preneuse, jugement autorisant et prévoyant la cession du fonds de commerce de cette dernière à une société cessionnaire incluant la cession du bail commercial.
La vente du fonds de commerce a été réitérée par un acte authentique du 2 octobre 2008.
Le bailleur, par acte en date des 10 et 25 mars 2010, fait assigner le mandataire liquidateur de la société ainsi que la société cessionnaire devant le Tribunal de Grande Instance pour que soit constaté le jeu de la clause résolutoire inséré au bail et qu’il soit jugé que cette résolution du bail commercial était opposable à la société cessionnaire du fonds de commerce.
Le Tribunal de Grande Instance d’Agen a, par jugement du 26 juillet 2013, constaté la résiliation du bail commercial.
La Cour d’Appel d’Agen par arrêt en date du 6 janvier 2016 a confirmé le principe de la résiliation du bail, argumentation suivie par la Cour de Cassation dans son arrêt du 15 novembre 2017.
L’apport de cet arrêt est double.
En premier lieu, il importe d’indiquer que dans l’hypothèse d’une procédure collective ouverte avec désignation d’un mandataire judiciaire, mais sans administrateur, aussi bien la Cour d’Appel d’Agen que la Cour de Cassation se prononcent en faveur de l’absence de notification du commandement de payer au mandataire judiciaire.
La Cour d’Appel et la Cour de Cassation ont estimé qu’en remettant le commandement de payer qu’à la seule gérante de la société locataire et non au mandataire judiciaire, le bailleur avait satisfait aux prescriptions de l’article 654 du Code de Procédure Civile et à l’article L. 622-1 du Code de Commerce.
Cette interprétation était contraire à une consultation versée aux débats rédigée par le Professeur LE CORRE.
Il était généralement admis que le bailleur devait mettre en cause à la fois l’administrateur qui a reçu une mission générale d’assister le locataire ainsi que le mandataire judiciaire (Cour d’Appel de Paris 22 octobre 1987, n°87-4784).
C’est le premier apport de l’arrêt de la Cour de Cassation.
Le deuxième apport concerne la procédure de résiliation du bail engagée par le bailleur pour des loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective et antérieurs au jugement de conversion en liquidation judiciaire.
Aussi bien les Juges du fond que la Cour de Cassation estimaient que cette action se trouvait soumise aux dispositions de l’article L. 622-14, 2e alinéa.
Lorsque le bailleur demande la résiliation du bail ou fait constater la résiliation pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne peut agir qu’aux termes d’un délai de trois mois à compter du jugement ouvrant la procédure collective.
Ainsi, il a été relevé que les loyers impayés étaient ceux des mois d’avril et mai 2008, soit afférents à une période postérieure au jugement d’ouverture de redressement judiciaire du locataire.
Ces dispositions ne créent pas un délai de trois mois à compter de la mise en demeure pour pouvoir agir, mais interdisent seulement au bailleur dans les trois mois du jugement d’ouverture d’agir en résiliation pour les loyers postérieurs audit jugement. Passé ce délai de carence de trois mois, il est toujours possible d’agir.
C’est d’ailleurs ce que le bailleur a réalisé en saisissant les Juges plus de trois mois après le jugement d’ouverture. Sa procédure est donc recevable.
Cet arrêt démontre que les dispositions encadrant la procédure collective sont à manier avec la plus grande prudence et peuvent avoir des conséquences pratiques considérables.
Cet article n'engage que son auteur.
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