Bail commercial : réintégration et indemnisation de la perte du maintien dans les locaux

Bail commercial : réintégration et indemnisation de la perte du maintien dans les locaux

Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le : 05/03/2018 05 mars mars 03 2018

La Cour de Cassation, par un arrêt intéressant du 30 novembre 2017 s’est prononcée à la fois sur l’impossibilité de réintégrer un preneur injustement évincé suite à un congé, mais également, sur la nature de l’indemnité que doit percevoir ce preneur évincé.​ Par contrat de bail en date du 24 mai 2000, un bailleur avait concédé à un locataire, la jouissance pour une durée indéterminée d’un emplacement dans un centre commercial.
  Onze années plus tard, par acte en date du 4 mars 2011, le bailleur a notifié un congé à son locataire.
  Une précédente décision de justice, irrévocable, avait requalifié le contrat liant les parties en bail commercial, en annulant le congé et en constatant l’impossibilité de réintégrer le locataire dans les lieux. Une expertise avait été ordonnée pour voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction.
  Le locataire sollicitait quant à lui, toujours sa réintégration dans les lieux, y compris dans un autre emplacement, et a contesté le montant de l’indemnisation proposée par l’Expert, et retenu in fine par la Cour d'Appel de PARIS par arrêt du 22 mars 2016.
  La Cour de Cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d'Appel qui a constaté l’impossibilité pour la société locataire de réintégrer le local, objet du bail, et a retenu que ce locataire ne pouvait prétendre à aucun droit à réintégration dans un autre emplacement.
  Dès lors, il est impossible, à un locataire, de revendiquer auprès d’un bailleur, une réinstallation à l’identique dans un autre emplacement en cas d’éviction fautive ou pas.
  La réintégration doit se dérouler dans les mêmes locaux, quel que soit les possibilités pour le bailleur de réinstaller son ancien locataire à l’identique dans un autre endroit géographique, y compris s’il s’agit d’un même centre commercial.
  S’agissant de l’indemnisation, la société locataire sollicitait une double réparation : 
  • la réparation de la perte de son droit au maintien des lieux,
  • l’indemnité d’éviction qui indemnise du préjudice subi par le défaut de renouvellement du bail.
La Cour d'Appel de PARIS avait estimé que l’indemnisation de la perte du droit au maintien dans les lieux avait déjà été prise en compte dans la fixation de l’indemnité d’éviction.   La Cour de Cassation n’accepte pas se raisonnement et considère que le préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, est distinct de celui réparé par cette indemnité. Cet arrêt doit être approuvé.
  En effet, la Loi accorde au locataire, en cas de non renouvellement de son bail commercial, une indemnité d’éviction aux termes de l’article L.145-14 du Code de Commerce.
  Le bailleur peut donc refuser le renouvellement du bail.
  Le bailleur doit, en ce cas, payer au locataire évincé, une indemnité dite d’éviction, égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
  Cette indemnité doit comprendre, notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait preuve que le préjudice est moindre.
  Il n’y a pas de définition légale de principe d’évaluation de l’indemnité.
  Les principes ont été largement déterminés par la Jurisprudence.
  Il s’agit soit d’une indemnité de remplacement, dans le cas où la perte de clientèle attachée au lieu de situation du fonds de commerce est irrémédiable, ou d’une indemnité dite de transfert ou de déplacement lorsqu’il s’agit d’un transfert de fonds de commerce possible sans perte de chance total de clientèle par le locataire.
  La consistance du fonds à évaluer doit être appréciée à la date d’effet du refus du renouvellement, bien qu’il existe un certain flou jurisprudentiel.
  En l’espèce, le locataire, du fait du congé, a droit à son indemnité d’éviction, que ce soit une indemnité de transfert ou de remplacement.
  Cependant, ce congé étant lui-même contraire aux relations contractuelles entre les parties, est donc fautif, il convient de calculer une seconde indemnité qui correspond non pas à l’indemnité de transfert ou de remplacement, mais à une indemnité née de la perte du droit au maintien dans les lieux qui est distinct de l’indemnité d’éviction.
  Que le congé soit fautif ou pas, le locataire a droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction.
  L’article L.145-28 du Code de Commerce dispose qu’aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue.
  Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat expiré.
  Dans l’affaire qu’a eu à juger la Cour de Cassation, le locataire a été privé de ce droit au maintien dans les lieux, droit au maintien qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, lorsque le montant de l’indemnité d’éviction est contesté judiciairement.   Cette période qui permet souvent au preneur de rechercher les modalités d’une réinstallation et de préparer son éviction, a manqué au locataire. Elle est créatrice de préjudice indemnisable.
 
Cet article n'engage que son auteur.


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