Pacte d'associés

Pacte d'associés avec clause sur succession future : Nullité ?

Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le : 14/04/2023 14 avril avr. 04 2023

Les pactes d’associés constituent des conventions conclues entre tous, ou certains des actionnaires ou associés d’une société, afin de prévoir la mise en œuvre d’une stratégie d’investissement ou de gestion, ou les mouvements de titres de la société. Ils rappellent souvent les valeurs de l’entreprise et prévoient la gestion de certains éléments de la vie des associés exerçant dans l’entreprise (absences, congés, maladie, décès, etc…).

Le pacte d’associés, contrairement aux statuts de la société, est un document confidentiel qui est conclu pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement.

En l’espèce, certains associés avaient sollicité la résiliation d’un pacte d’actionnaires conclu le 30 janvier 2010.

Le pacte d’associés prévoyait dans son préambule qu’il avait pour but de fixer les règles devant régir les relations d’associés au sein du groupe, une fois le décès du fondateur intervenu.

Par 14 articles contestés, il définissait la stratégie de gestion que devaient adopter les héritiers au sein du groupe lorsque le fondateur se serait retiré des affaires ou serait décédé afin de pérenniser le groupe et de préserver les intérêts de chacun des héritiers.

L’article 5 du pacte d’associés était relatif à la créance du fondateur constituée par son compte courant d’actionnaire lors de l’ouverture de sa succession et prévoyait des modalités de remboursement de ce compte courant d’actionnaire lors de l’ouverture de la succession. Est-ce que la disposition régissant le remboursement du compte courant de l’associé fondateur décédé constitue un pacte sur succession future prohibé par l’article 722 du Code civil ? En effet, une convention qui a pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ne produit aucun effet.

La clause doit être considérée comme nulle en son entier et si elle constitue une condition essentielle et déterminante, peut entraîner la nullité de l’intégralité du pacte.

La Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, dans son arrêt du 17 octobre 2019, a retenu que l’article 5 relatif au compte courant du fondateur énonçait une disposition relative à un bien futur de la succession, mais avait surtout pour objectif de définir la stratégie de gestion que devaient adopter ses héritiers lorsque le fondateur se serait retiré des affaires ou serait décédé.

La Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a considéré que l’examen des 14 autres articles de ce pacte démontrait qu’ils ne traitaient que de la stratégie d’entreprise, de la responsabilité des descendants, de la rémunération des mandats sociaux, de la prise des décisions collectives, de l’embauche de certains collaborateurs, du fonctionnement de holdings familiales, de la cession des actions entre descendants, des droits sociaux dérivés, de la politique de distribution des dividendes, des engagements de non-concurrence, des droits de préférence, de l’arbitrage et de la médiation en cas de mésentente entre descendants.

Elle a considéré que l’article 5 n’était pas un élément essentiel du pacte d’actionnaires déterminant de l’engagement des parties, de sorte qu’elle a rejeté la demande en nullité du pacte.

Cependant, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE avait déclaré régulière la résiliation du pacte d’actionnaires, considérant que le pacte d’associés conclu pour la durée de vie de la société est un contrat à durée déterminée ayant pour but de contribuer à la stabilité du pacte social.

La Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a considéré que le pacte d’associés conclu le                  30 janvier 2010 pour la durée restant à courir du groupe, soit 58 ans, était d’une durée excessive assimilable à un contrat à durée indéterminée pouvant être résilié.

La Cour de cassation n’admet pas ce raisonnement et considère que le pacte d’associés, malgré la prohibition des engagements perpétuels, n’interdit pas la conclusion d’un pacte d’associés pour la durée de vie de la société sans donner la possibilité aux parties d’y mettre fin unilatéralement. L’intérêt de cet arrêt est de démontrer qu’un pacte d’associés pour la durée de vie d’une société n’est pas considéré comme un engagement perpétuel prohibé et que certaines clauses organisant le décès des associés, notamment du fondateur, peuvent ne pas être considérées comme un pacte sur succession future prohibé, dès lors qu’il n’est conçu que comme une mesure de gestion de la société au décès d’un de ses associés ou de son fondateur.
Cet article n'engage que son auteur.

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