Incendie propagé à un local commercial et garantie de l'assureur du bailleur

Incendie propagé à un local commercial et garantie de l'assureur du bailleur

Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le : 05/11/2018 05 novembre nov. 11 2018

Un incendie s’est déclaré dans une salle de spectacle et s’est propagé aux locaux pris à bail exploités dans le même immeuble par des sociétés commerciales.
 
La bailleresse a notifié la résiliation de plein droit du bail à chacune des sociétés locataires sur le fondement de l’article 1722 du Code Civil.
 
Plusieurs mois plus tard, les sociétés locataires ont assigné la bailleresse et ses assureurs en indemnisation des troubles de jouissance subis.
 
La Cour d’Appel de Paris a rejeté les demandes des sociétés locataires en retenant que la cause de l’incendie était indéterminée de sorte que le bailleur devait être exonéré de tout dédommagement.
 
En l’espèce, la cause de l’incendie est demeurée indéterminée, un technicien du laboratoire central la Préfecture de police dépêché sur les lieux a localisé la zone du départ du sinistre en émettant l’hypothèse d’une défaillance d’un équipement électrique mais a conclu que la cause de l’incendie restait techniquement indéterminée.
 
Cette conclusion n’a pas été remise en cause par les parties.
 
Il faut dissocier les dispositions de l’article 1722 du Code Civil qui prévoient que pendant la durée du bail, si la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit et les problèmes de responsabilité et de dédommagement.
 
L’article 1722 du Code Civil ne vise que l’hypothèse de résiliation du bail par cas fortuit.
 
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 1732 du Code Civil, le locataire doit répondre des dégradations et des pertes qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles aient lieu sans sa faute.
 
Il s’agit d’une présomption de faute du locataire dans la survenance de la dégradation, cette présomption étant néanmoins réfragable puisque le locataire est dégagé de sa responsabilité s’il parvient à prouver que les dégradations ont eu lieu sans sa faute.
 
Aux termes de l’article 1733 du Code Civil, le locataire répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve que l’incendie soit arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, soit que le feu était communiqué par un bâtiment voisin.
 
Pour pouvoir être invoqué, le cas fortuit ou de force majeure doit présenter les critères inhérents à cette situation d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité.
 
Pour être exonératoire de responsabilité, le locataire doit démontrer que l’origine criminelle de l’incendie présente pour lui des caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité propres à la force majeure.
 
Dans l’arrêt commenté (Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-20696), la Cour de Cassation considère que l’incendie qui se déclare dans les locaux d’un colocataire et dont la cause n’est pas déterminée ne caractérise pas un cas fortuit.
 
Cela veut dire d’une part que le bailleur ne peut procéder à la résiliation de plein droit du bail prévue à l’article 1722 du Code Civil puisque cet article autorise la résiliation de plein droit en cas de chose louée détruite en totalité par cas fortuit.
  Or, la Cour de Cassation considère que dès lors que la cause de l’incendie n’est pas déterminée, elle ne peut caractériser un cas fortuit, le bailleur est responsable envers le preneur des troubles de jouissance causés par les autres locataires et est donc tenu de réparer les dommages causés par un incendie dont la cause est inconnue et qui a pris naissance dans l’un des locaux loués et qui s’est propagé dans les locaux des autres locataires en les détruisant.  
Dès lors, la Cour d’Appel de Paris en infirmant que la circonstance que la cause du sinistre n’ait pas établie avec certitude et était étrangère aux parties, exonérerait le bailleur de tout déménagement, a violé les dispositions des articles 1719 et 1722 du Code Civil.
 
Cet arrêt est intéressant à deux titres :
 
  • L’incendie détruisant l’ensemble d’un bien n’entraine pas ipso facto sa résiliation de plein droit.
 
Il convient de vérifier si l’hypothèse du cas fortuit peut être retenue.
 
  • L’absence de jouissance du bien rend responsable le bailleur et par voie de conséquence ses assureurs par application de l’article 1719 du Code Civil.
 
 
Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo: © kotoyamagam - Fotolia.com


 

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