Bail commercial

Bail commercial : inapplication de la prescription biennale et fraude

Auteur : MEDINA Jean-Luc
Publié le : 30/11/2021 30 novembre nov. 11 2021

Une société exploitante de deux hôtels a conclu un contrat de prestations de services avec une société, en mettant à sa disposition un local, le linge nécessaire à son activité de soins du corps et du visage et en s’engageant à la rétrocession par l’hôtel du prix stipulé de la prestation minoré d’une commission au titre de divers frais. La société prestataire de services a sollicité devant le tribunal la requalification judiciaire du contrat de prestations de services en bail commercial.

La Cour d’Appel de COLMAR, dans un arrêt du 23 octobre 2019, a déclaré prescrite la demande de requalification, considérant que l’action en requalification du contrat de prestations de services en contrat de bail commercial devait intervenir dans le délai de deux ans du contrat initial, lequel avait été conclu le 18 septembre 2007, de sorte que la prescription était tombée le 18 septembre 2009.

La société prestataire de services a formé un pourvoi en cassation en reprochant à la Cour d’Appel de COLMAR de ne pas avoir recherché, comme il lui était demandé, si le refus de conclure un contrat de bail commercial en signant un contrat faussement intitulé « contrat de prestations de services » ne constituait pas une fraude suspendant la prescription biennale.

La Cour de Cassation accepte ce moyen et considère qu’il appartenait à la Cour d’Appel statuant au fond de rechercher si la fraude dont l’existence était invoquée n’était pas de nature à suspendre la prescription biennale.

L’article L 145-60 du Code de Commerce dispose que toutes les actions exercées en matière de Droit des Baux Commerciaux se prescrivent par deux ans.

Sur le plan des principes, la fraude n’est pas visée par le Code Civil au titre des causes de report du point de départ ou de suspension de la prescription.

Dans un premier temps, la Cour de Cassation (26 février 2002, n° 99-20.829) a considéré que la fraude ne pouvait pas constituer un cas de suspension de la prescription, dès lors que ce n’était pas prévu par la loi.

Or, la Cour de Cassation a évolué.

Les étudiants en droit se souviendront de l’adage juridique latin « fraus omnia corrumpit » qui signifie que la fraude corrompt tout.

La Cour de Cassation, dans un certain nombre de sujets, a suspendu ou reporté le point de départ de certaines actions sur ce principe.

Ainsi, en matière d’action paulienne, par un arrêt du 12 novembre 2020 (Cass. civ. 3ème, 12 novembre 2020, n° 19-17.156), la Cour de Cassation a considéré que la fraude d’un débiteur ayant empêché ses créanciers d’exercer l’action paulienne à compter du dépôt d’un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, entraînait le report du point de départ de la prescription au jour où ils ont effectivement connu l’existence de l’acte de cession de parts.

Cette jurisprudence doit donc être approuvée, dès lors qu’une juridiction du fond reconnait l’existence d’une fraude.

(Cour de cassation, 3ème chambre civile, 23 septembre 2021, n° 20-10.812)


Cet article n'engage que son auteur.
 

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